Elle le tient par la main pour ne pas le perdre. Elle le tient par la main pour ne pas être seule. Bastian connait la solitude d'une certaine façon mais elle ne l'affecte ni ne le réjouit. Il comprend toutefois ce que signifie être "seul". Les robots comme lui sont seuls. Ils dépendent des autres pour leur batterie, mais personne ne se soucie réellement d'eux. Ils se soucient des données qu'ils conservent. Ils ne se soucient pas de ce que ça peut bien faire à un robot de savoir qu'il va être réinitialiser. De toute façon tout n'est que simulation pour ces machines. Alors qu'importe ce qu'elles peuvent penser puisque leur "pensée" justement est de toute façon programmée par les humains.

Elle lui promet de lui apprendre des choses. Elle insiste sur le fait qu'elle n'a pas la science infuse. Elle insiste aussi sur le fait qu'elle n'est qu'une dinoise. Bastian acquiesce. Il n'est pas exigeant. Tout le monde à quelque chose à apprendre à autrui. Ce n'est pas forcément de la science ou de la mathématique, ça peut être des choses simples de la vie qui ont aussi toutes leur importances. Ca peut être une façon de voir les choses et de les interpréter. Quelles que soient les rencontres, bonnes ou mauvaises, des personnes reconnues comme surdouées ou attardées, il y a toujours quelque chose à en apprendre. Bastian sait ça. Il n'a pas le temps de le dire: elle demande s'il doit être rechargé maintenant.

- Non, je peux tenir deux jours avec ce que j'ai pour l'instant. Toi, tu dois manger? C'est ainsi que les humains se "rechargent", n'est-ce pas?

Bastian irait se recharger dès le lendemain pour ne pas prendre de risque. Il économiserait de la batterie en se mettant automatiquement en veille. Malgré les apparences, Bastian faisait attention à ne pas se laisser tomber en panne. S'il était abîmé, c'était contre sa "volonté". Sans doute ses nouveaux maîtres de Tai le répareraient-ils dès qu'ils auraient réussi à rassembler le matériel nécessaire. En attendant, ils avaient fait le nécessaire pour qu'il puisse fonctionner et même s'il y avait des lacunes, c'était déjà pas mal.

Yevahn lui explique que les humains doivent manger et dormir pour avoir de l'énergie et éviter une sorte de "surchauffe". Elle dit que les humains sont fragiles. Bastian acquiesce. Les humains sont fragiles. Il n'a besoin que d'une main pour leur briser les os. Ils crient, ils pleurent, pourtant ils se relèvent, tentent de fuir ou de se battre. Jusqu'au bout. Ils sont fragiles mais ils vont jusqu'au bout de ce qu'ils font et cela les rends fort. Bastian et ceux de son espèce sont peut-être plus fragiles. Il suffit d'un virus informatique, d'un hacker, de quiconque sachant trafiquer un programme.

- Les humains sont fragiles. Je peux leur briser les os d'une main. Les humains sont forts: ils décident. Les robots sont fragiles parce qu'ils dépendent des humains.

Il marque une pause. Ajoute:

- C'est compliqué.

Et en effet, c'était compliqué. Il n'était pas conçu pour trop "réfléchir". Même s'il disposait d'un programme prévu à cet effet. Bastian semblait pourtant "vouloir" réfléchir. C'était probablement lié à ses programmes d'autonomie.
Yevahn lui dit qu'ils sont bientôt arrivé chez elle. Elle dit que ce n'est pas très grand mais que c'était agréable, assez isolé pour qu'il n'y ait pas de courants d'air et d'infiltration lors des jours pluvieux. Bastian acquiesce. Il regarde autour de lui. Enregistre l'itinéraire. Se met à jour.
Elle a des vêtements de rechange pour Bastian. Il pourra les porter le temps qu'elle recouse les siens. Bastian lève son bras libre et observe sa manche déchirée. Il ne sait pas ce qui a pu le déchirer.

- Je ne sais pas comment ça s'est déchiré. Ma mémoire a dû être réinitialisée.

Il sourit. Une habitude.